Titre Original : nouvelles
Collection : Fantastique - SF - Aventure n° 132
Date de Parution : Mars 1985
Traducteur : François Truchaud
Nombre de pages : 190
Couverture : Jean-Michel Nicollet
Sommaire du livre :
- Retour à River Street Préface de François TRUCHAUD
- La Lune noire (The black moon)traduit par François TRUCHAUD
- La Maison du soupçon (The house of suspicion)traduit par François TRUCHAUD
- Le Talon d'argent (The silver heel)traduit par François TRUCHAUD
- La Voix de la mort (The voice of death)traduit par François TRUCHAUD
- Steve Harrison… (synopsis)traduit par François TRUCHAUD
- Les Rats du cimetière (Graveyard rats), traduit par François TRUCHAUD
Préface du livre :
Retour à River Street
Suite et fin des aventures de Steve Harrison, le célèbre détective, chargé de « faire respecter la loi de l’homme blanc dans River Street », comme l’écrit superbement Howard !
Ce second volume - le dix-septième REH chez NéO - nous permet d’approfondir notre connaissance de cet étonnant personnage, « le Blanc inexplicable qui faisait respecter les lois inexplicables de sa race dans le quartier oriental », autre phrase lapidaire d’Howard qui nous plonge directement dans le mystère et l’aventure. En fait, comme bien d’autres personnages du génial « Two-Gun Bob », Harrison surgit de la nuit et garde son mystère jusqu’à la fin. Qui est-il vraiment ? Nous ne le saurons jamais. Personnage solitaire, se méfiant de tout le monde (mais il est fidèle envers ses rares amis et les vengera s’il leur arrive malheur) avare de paroles, tenant farouchement à travailler seul, Harrison, être désincarné s’il en fût, malgré sa présence physique, est bien le symbole de la loi et de l’ordre, aux yeux de Howard, le représentant de la Lumière qui affronte les Ténèbres et le Chaos. Détective du Surnaturel, il mène son enquête - sa quête - et n’aura de cesse avant d’avoir trouvé la Vérité. Il s’inscrit délibérément sur un autre plan, sans attaches avec la réalité : Howard, tissant une toile aux lignes abstraites qui se rejoignent sur un plan supérieur, néglige les détails quotidiens. Ainsi, lorsque Harrison est chez lui, aucune indication (subalterne) ne nous est donnée. Pas la moindre description de son appartement... Harrison est assis à sa table de travail, un revolver posé à côté de lui, et réfléchit à l’affaire en cours. Et c’est tout ! Notons d’ailleurs une idée superbe : il fume une cigarette, et Howard écrit : « Peut-être apercevait-il dans les volutes de fumée le tueur astucieux qui se dissimulait dans les ombres de la nuit. » Une image onirique qui n’est pas sans annoncer avec quelques longueurs d’avance certains films noirs chers à notre mémoire !
Ses fonctions sont tout aussi vagues et mystérieuses. Comme le définit Jack Bissett à un moment : « Tout à la fois détective, juge à titre officieux, tenant lieu de tribunal d’instance, de milice d’Etat, que sais-je encore ! » A un autre passage, il est dit qu’Harrison a souvent fait office de bourreau ! Comme on le voit, Howard fait fi de toute vraisemblance : Harrison est l’archétype de la Loi, oeuvrant dans un monde de ténèbres et d’incertitude.
Un tel mépris des conventions et de la réalité dut choquer sans nul doute les rédacteurs en chef des revues spécialisées dans la « detective fiction » de l’époque ! Ce qui explique que nombre de ses nouvelles dans ce genre furent refusées. Ainsi, dans le présent volume, seule la nouvelle Les rats du cimetière fut publiée. Les autres, inédites, ne le furent que bien longtemps après la mort d’Howard, en avance sur son temps, comme souvent !
La lune noire fut publiée en 1983, dans un petit « booklet » semi-professionnel, tiré à 400 exemplaires : Bran Mak Morn : A Play, que nous devons à Marc A. Cerasini et Charles Hoffman, des spécialistes en la matière. Cette histoire vaut surtout par sa chute inattendue, pleine d’humour (que je ne dévoilerai pas !). On comprend tout de suie qui est le coupable, mais là n’est pas l’important. Howard s’intéresse à l’ambiance, les rues de River Street noyées par le brouillard, à son personnage de « chasseur d’homme », et non à l’intrigue. Notons au passage l’histoire dans l’histoire, une technique chère à Howard, concernant la gemme sanglante, autre thème fréquemment traité par notre auteur.
La maison du soupçon fut publiée pour la première fois en 1976, dans le volume The second book of Robert E. Howard, une anthologie que nous devons à Glenn Lord. L’action se passe loin de River Street, dans le sud-est des Etats-Unis qu’Howard connaît bien. Cette fois, nous sommes en plein suspense, à la lisière du fantastique Howard s’en donne à cœur joie, dans la description de Storley Manor et des bois de pins avoisinants. Vaste demeure aux couloirs sombres où tout peut arriver, personnages inquiétants, menace insidieuse... un cadre où Howard est parfaitement à l’aise. Notons la très belle phrase finale... et une erreur manifeste, montrant qu’Howard n’avait pas relu son texte : il dit à un moment que le personnage a été frappé par un manche de hache, et quelques pages plus loin, on apprend que ce même personnage a été blessé par balle ! Mais l’ambiance est superbe !
Les deux nouvelles suivantes, ainsi que le synopsis, ont été publiées dans Two-Fisted Detective, en mai 1984, autre « booklet » de Cerasini et Hoffman (tiré à 500 exemplaires). Notons que ces deux auteurs citent la publication prochaine des aventures intégrales de Steve Harrison... en France, chez NéO ! Un coup de chapeau qu’il convenait de signaler.
Le talon d’argent se passe à River Street, mais la plus grande partie de l’action se déroule en champs clos, dans une chambre à coucher, située au dernier étage d’un immeuble (comme dans Les noms du Livre Noir). Cette très belle nouvelle se signale en outre par son ton original, son humour noir... « Trois cadavres dans la même nuit... c’est plutôt moche, même pour River Street »... ses répliques étonnamment modernes et son intrigue compliquée, où l’on a du mal à s’y retrouver. Mais Chandler lui-même... A nouveau, une erreur de REH, écrivant que la secrétaire, Miss Pulisky, a fait allusion à des Chinois : si l’on se réfère au passage en question, il n’en est rien ! Mais cela ne fait qu’ajouter à l’onirisme des scènes (la découverte du cadavre de Zaida, les ruelles de River Street, les agressions dans la nuit) et à l’ambiance de cauchemar qui règne à chaque page. A nouveau, Howard n’est pas sans annoncer certains polars et autres films noirs qui flirtent avec le fantastique sans avoir l’air d’y toucher ! La « Fleur de Mort » (ou de l’Oubli) à nouveau, les sociétés Tongs et l’évocation magistrale de Ti Woon, chef de la société secrète aux nombreuses ramifications : une fois de plus, Fu Manchu n’est pas loin. Mais Howard est surtout fasciné par ce « morceau d’Orient transplanté en Occident ». Nous sommes en plein rêve, dans le délire le plus complet, pour notre plus grand plaisir. Notons la sécheresse de certains passages, des phrases sans verbe (ainsi p. 99) : Howard va au plus vite et transporte ses personnages d’un lieu à un autre, pratiquement sans aucune liaison. S’agissait-il d’un premier jet, de notes qu’il comptait reprendre par la suite et développer ? Nous ne le saurons jamais. L’explication finale est un peu tirée par les cheveux, reconnaissons-le, mais le résultat est splendide.
La voix de la mort commence pratiquement comme Les dents de la mort (l’accident de voiture) mais, pour une fois, Harrison est en vacances ! Il a quitté River Street « pour oublier les guerres entre les sociétés Tongs et les meurtres commis par les hatchmen »... mais déjà il a les nerfs à fleur de peau, car rien ne se passe ! A nouveau une vieille demeure et une ambiance fantastique : le thème n’est pas sans rappeler celui de Rampe, Ombre, Rampe ! d’Abraham Merritt (du moins pour la « voix de la mort » !). Avec une fin magistrale, une phrase sur le Destin (l’une des obsessions d’Howard) et une image qui nous fait irrésistiblement penser au sublime Sueurs Froides du génial « Hitch » ! Que demander de plus !
Steve Harrison..., le synopsis, est extrêmement intéressant, car il nous montre la méthode de travail d’Howard, la façon dont il bâtissait son histoire, son intrigue, quitte à la remodeler et à la transformer par la suite. En fait, il s’agit sans doute d’une première mouture des Rats du cimetière : la trame est pratiquement identique, ainsi que les thèmes abordés.
Les rats du cimetière est sans doute la plus macabre et la plus abominable des nouvelles d’Howard, puisque toute l’histoire tourne autour d’une tête tranchée, d’un cadavre décapité, et que le lieu principal de l’action est un cimetière, la nuit, envahi par les rats ! Depuis Les rats dans les murs de Lovecraft jusqu’à L’enterrement des rats de Bram Stoker, le thème du rat a été fréquemment utilisé dans la littérature fantastique, mais Howard œuvre dans l’insoutenable et la démesure avec une facilité et une fascination déconcertantes ! Une histoire fulgurante qui aurait sans doute ravi Sam Peckinpah et Warren Oates (un coup de chapeau en passant) pour, bien sûr, leur... Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia ! Un petit chef-d’œuvre d’horreur gothique, avec certaines touches personnelles -le personnage de Joel Middleton, l’attachement de REH à l’Ouest américain, les histoires que lui racontaient les Noirs dans son enfance, etc.) et, en prime, une fin sublime, l’Horreur absolue, et une dernière image, à tétaniser le lecteur, que Robert Aldrich n’aurait pas reniée, pour son En quatrième vitesse, naturellement ! Précisons que cette nouvelle fut la seule publiée du vivant de Howard : elle parut dans Thrilling Mystery, en février 1936. A ma connaissance, elle n’a jamais été republiée depuis : ainsi, presque cinquante ans plus tard, cette histoire resurgit... de la tombe !
Mais voici les nouvelles aventures de Steve Harrison, le célèbre détective qui ne fait confiance qu’à ses poings nus. Il s’avance dans les rues désertes de River Street, un léger brouillard monte du fleuve, recouvrant la lueur des réverbères... Soudain un cri de terreur et d’agonie... Steve s’élance... c’est le début d’une nouvelle enquête, au cœur du mystère et de l’épouvante !
François Truchaud,
Ville d’Avray,
5 mars 1985.
Dos du livre :
« Steve Harrison alluma la lumière et se figea sur place, le regard dur.
Un corps était étendu au milieu de la pièce. C'était Zaida Lopez. Sa robe était déchirée, laissant apparaître sa poitrine. Entre ses seins fermes et pleins, saillait la poignée en bronze d'une dague, avec un dragon ciselé et lové autour de la garde, dont la tête formait le pommeau de l'arme.
Harrison se pencha vers elle. Zaida n'était pas morte depuis longtemps. Son corps était encore chaud. Elle portait des mules d'intérieur. Près de la coiffeuse, il aperçut une paire de chaussures de danse. Elles scintillaient dans la lumière. L'une d'elles avait un talon d'argent long et fin ; le talon de l'autre manquait. Harrison ne se donna même pas la peine de le comparer avec le talon qui se trouvait dans sa poche... »
Suite et fin des aventures de Steve Harrison, rassemblées en deux volumes pour la première fois au monde ! Le célèbre détective, chargé de faire régner l'ordre et la loi dans River Street, mène l'enquête, une fois de plus !
Intrigue échevelée, coups de théâtre, couloirs secrets, portes dérobées, adversaires de toutes sortes... et de toutes races ! Le péril jaune à nouveau !
Lisez Steve Harrison et le Talon d'Argent... en attendant de découvrir Vulmea le Pirate Noir !
Robert Erwin Howard est né en 1906 à Peaster (Texas). Il s'est suicidé en 1936. Quinze ans de création littéraire lui ont suffi pour devenir l'un des maîtres du fantastique et de l'heroic fantasy de ce siècle. Nous avons, depuis quelques années, révélé au public français une grande partie de son œuvre restée jusqu'alors scandaleusement inédite : Le pacte noir, Kull le roi barbare, Solomon Kane, Le retour de Kane, L'homme noir, Bran Mak Morn, Cormac Mac Art, Agnès de Chastillon, El Borak l'Invincible, El Borak de Redoutable, El Borak le Magnifique, El Borak l'Eternel, Wild Bill Clanton, Kirby O'Donnell, Cormac Fitzgeoffrey, Steve Harrison et le Maître des Morts, seize volumes magiques et fous, inoubliables, tous traduits et présentés par le meilleur spécialiste de Howard que nous ayons en France : François Truchaud.
On peut lire également, dans la collection « Titre/SF » de Lattes, la série des Conan.