Titre Original : nouvelles
Collection : Fantastique - SF - Aventure n° 2
Date de Parution : 1979
Traducteur : François Truchaud
Nombre de pages : 304
Couverture : Jean-Michel Nicollet
Sommaire du livre :
- François TRUCHAUD, Howard ou le Pacte Noir, Préface
- Le Loup-garou (Wolfshead), traduit par François TRUCHAUD
- Le Cairn de l'homme gris (The Cairn on the Headland), traduit par François TRUCHAUD
- Magie noire à Canaan (Black Canaan), traduit par François TRUCHAUD
- Le Feu d'Asshurbanipal (The Fire of Asshurbanipal), traduit par François TRUCHAUD
- L'Horreur des abîmes (Skull-Face), traduit par François TRUCHAUD
- Les Guerriers du Valhalla (Marchers of Valhalla), traduit par François TRUCHAUD
- La Vallée du Ver (The Valley of the Worm), traduit par François TRUCHAUD
- La Voix d'El-Lil (The Voice of El-Lil), traduit par François TRUCHAUD
- Le Peuple des ténèbres (People of the Dark), traduit par François TRUCHAUD
Préface du livre :
Howard ou le Pacte Noir
Pour A. et M.
Le 11 juin 136, Robert E. Howard apprenait que sa mère, dans le coma, ne reprendrait jamais connaissance et que sa mort était imminente. Il se leva et alla jusqu’à sa voiture garée au dos de la maison des Howard. Il monta dans celle-ci, ferma les portières et sortir un revolver de la boîte à gants. Il se tira une balle dans la tête. Il était un peu plus de huit heures du matin. Il ne devait mourir qu’à quatre heures de l’après-midi. Il avait trente ans. Le 14 juin, le service funèbre pour Mme Howard, morte le 13 juin, et pour son fils, Robert Ervin, était célébré à dix heures du matin à la Baptist Tabernacle de Cross Plains. Ils furent enterrés tous les deux à une heure de l’après-midi au Greenleaf Cemetary, Brownwood, Texas... le même jour.
La littérature fantastique nous a habitués à ces rapports étranges entre ses auteurs et leur œuvres. Howard ne fait pas exception à cette règle. Une courte biographie s’impose.
Robert Ervin naît le 22 janvier 1906 à Peaster, Texas, USA. Mais, toute sa vie, il la passe à Cross Plains, Texas, petite ville située entre Abilène et Brownwood. Il n’en sortira guère, à part quelques voyages en Louisiane et dans l’Oklahoma (première analogie avec Lovecraft, dont nous reparlerons plus loin... et avec Clark Ashton Smith, autre personne « déplacée »). Howard, dont le père est médecin, descend des premiers pionniers de cette région. Il fait ses études à Cross Plains, puis complète son éducation au Howard Payne College de Brownwood. Enfant chétif, il réagit à cet état de fait, pratique intensément le sport et la culture physique, devenant un boxeur et un cavalier accompli. Par la seule force de sa volonté, Howard devient autre : l’enfant malingre devient un colosse de près de deux mètres et pesant non loin de cent kilos ! Ah cette photo... le feutre baissé sur les yeux, Al Capone, Chicago, la Prohibition, le jazz et le whisky frelaté ! Howard est plus grand que nature, comme ses personnages. Lecteur vorace, il dévore tous les livres qui lui tombent sous la main ; passionné d’histoire (omniprésente dans son œuvre) très tôt, il commence à écrire dés l’âge de quinze ans. Sa première histoire professionnelle « Spear and Fangs », écrite entre quinze et dix-huit ans, est publiée dans le fameux « Weird Tales », dont il deviendra l’un des auteurs « maison », en 1925. Il n’arrêtera plus d’écrire jusqu’à sa mort. Howard, souffrant certainement de névroses, sujet à des sautes d’humeur très fortes, instable, se suicide en apprenant la mort imminente de sa mère. Le suicide l’obsédait déjà depuis plusieurs années. N’avait-il pas écrit un poème intitulé « Lines writtent in the realization that I must die » ? Le colosse aux pieds d’argile... Trente ans de vie, quinze ans de création littéraire à jet continu. Il aborde tous les genres : sport, policier, aventures, western, histoire, aventures orientales, histoires fantastiques et heroïc fantasy, sans parler de la poésie ! L’œuvre est immense. C’est la création d’une véritable galerie de personnages inoubliables : Conan le Cimmérien (le plus fameux d’entre tous), King Kull, Solomon Kane (dont l’histoire « Worms of the Earth » est considérée outre-Atlantique comme l’une des meilleures nouvelles jamais écrites par Howard), Turlogh O’Brien, mais aussi le marin Steve Costigan, Francis Xavier Gordon surnommé El Borak par les Arabes, Breckinridge Elkins (personnage de western comique, mais aussi héroïque), très célèbres aux Etats-Unis... et la liste n’est pas exhaustive ! Ses écrits ont été publiés dans le magazine « Weird Tales » en grande partie, ainsi que dans « Argosy », « Top-Notch », « Oriental Stories », « Action Stories », etc. Mais ils ne furent rassemblés en volumes qu’après sa mort. « Free-lance », écrivain professionnel, Howard gagne à la fin de sa vie autant que l’habitant le plus riche de Cross Plains, le banquier ! Une réussite qui le différencie de Lovecraft qui n’a jamais pu gagner sa vie normalement, malgré son génie !
Très souvent, en littérature fantastique, nous savons fort peu de choses de l’homme, qui conserve son mystère et ses forces occultes. L’exemple idéal est bien sûr Lovecraft, qui ne vit que pour son œuvre et meurt, enfermé dans ses rêves, devenant par là même immortel. Lovecraft et Howard ont beaucoup de points communs, d’affinités, mais présentent également d’énormes différences : deux parallèles qui se rencontrent parfois ! Chacun des deux hommes connaissait l’œuvre de l’autre ; ils s’estimaient et se rendirent un hommage réciproque dans nombre de leurs écrits. Même différence exemplaire de l’homme-écrivain vis-à-vis de ses « semblables » (mais les Romantiques nous ont habitués à cette différence, les écrivains autant que les peintres de cette fin de siècle, si passionnante et si mal connue... ainsi les Pré-Raphaelites, j’y reviendrai plus loin) même destin, même vie, celle de Howard étant encore plus brève, comme Hogdson, l’auteur de « La maison au bord du monde » et de « Carnacki ». Même mystère premier de l’homme, de son œuvre, de sa création fantastique. Même précocité à écrire, à lire ; même attachement à la mère, encore que plus nuancé chez Lovecraft. Même amour des chats : à sa mort, Howard en avait treize... ainsi qu’un chien, Patch. Mais la psychanalyse est difficile et hasardeuse : Conan le Barbare serait-il l’image idéalisée de l’homme que voudrait être Howard, que l’on imagine petit et malingre ? Erreur ! Howard est le reflet même de Conan, son frère jumeau ! Les faits sont les mêmes, mais chacun réagit différemment. Howard, comme ses personnages, force son destin et sa vie (« bigger than life ») et c’est bien là son originalité la plus grande.
Fureur d’écrire, fureur de vivre ! Les écrits de Howard reflètent parfaitement ce bouillonnement intérieur, cette ardeur, cette impatience, cette explosion, ce jaillissement continuel d’une création pleine de tumulte, de bruit et de fureur ! Howard s’est illustré tout particulièrement dans le fantastique et l’heroic fantasy, son personnage le plus connu étant Conan le Barbare. Il écrivit ses aventures pratiquement dans un état second, comme si quelqu’un lui dictait les histoires de Conan, lui-même n’intervenant que pour une part mineure (l’on songe à Jean Ray et à la façon dont il rédigea les aventures de « Harry Dickson » ! Le cercle fantastique se referme). Quel cas exemplaire d’écriture automatique... ou bien nous trouverions-nous ici en présence du mystère de la création fantastique ? D’où nous viennent nos rêves et nos cauchemars, de quel autre monde ? Sommes-nous le reflet d’un ailleurs entrevu par quelques-uns ?
Pourtant, ces question, Howard ne se les est sans doute jamais posées ! Abordant franchement la vie, de plain-pied, comme ses personnages affrontent le péril, quel qu’il soit, « Two-Gun Bob » (comme l’avait surnommé affectueusement Lovecraft dans le récit « Le combat qui marqua la fin du siècle », in Lovecraft/Numéro des Cahiers de l’Herne) pressentit certainement que sa vie serait courte, d’où le caractère d’urgence, de nervosité, d’impatience et de frénésie, de sa vie et de son œuvre. Ecrire le plus possible dans le laps de temps qui lui était imparti, avant la fin inéluctable. On parle beaucoup de mort et de destin dans l’œuvre de Howard.
Pour lui, le Barbare (le mercenaire des temps modernes, si vous voulez) est l’image même de l’homme, de son attitude face à la vie et au monde. Des brutes en apparence ; en réalité ils recèlent en eux une grande noblesse et une générosité comme il s’en trouve rarement ! Mots étonnants à propos de Howard ; pourtant, ces sauvages, en apparence, sont plus proches de la vie et du monde que beaucoup d’autres. Ils sont en accord avec le monde physique et ses lois implacables. Eux seuls sont capables de s’adapter, de réagir et de survivre. Par leurs aventures, ils se dépassent eux-mêmes, allant jusqu’au bout de leurs forces, de leur être, et trouvent leur vérité, la vérité... De là cette attitude étonnante des personnages de Howard, face au surnaturel, au fantastique (et c’est bien naturel dans une épopée de « sword and sorcery » !) : pour eux le surnaturel est un péril comme un autre, qu’ils affrontent à grands coups d’épée ! Cette attitude, éclairant profondément la démarche de Howard, démontrant sa foi en l’homme, en sa dignité et en ses ressources, l’oppose profondément sur ce point précis à Lovecraft, écrasé et détruit par le fantastique.
Les personnages de Howard ne connaissent pas la peur, même s’ils sont fascinés (comme Howard est en proie à une fascination horrifiée) par le surnaturel, les ténèbres et les terreurs que recèle le monde. Ils sont sauvés par leur énergie vitale, exprimée par leurs muscles, reflet ou expression de réactions primitives, instinctives, non déformées par un intellectualisme (comme celui de Lovecraft) qui fait de l’homme un proie facile pour les terreurs qu’il a lui-même libérées !
Voici ces neuf nouvelles qui permettrons, je le pense, de se faire une juste idée de l’immense talent de Howard qui apparaît bien comme l’un des plus grands écrivains fantastiques (et heroic fantasy) de son temps, aux côtés de Lovecraft, C.A. Smith, Algernon Blackwood, Lord Dunsany, Arthur Machen, Hodgson et quelques autres ! Neuf nouvelles hantées par l’horreur et toute l’abomination du monde, les rites secrets et innombrables pratiqués par sorciers, magiciens et autres adorateurs des ténèbres et des forces du mal. Howard est bien le prince de la nuit, de la violence, du sang et de la terreur... les cauchemars surgissent de l’ombre et du passé (l’Histoire chez Howard, et la fascination abominable, en même temps que la répugnance vis-à-vis de la régression raciale, de la dégénérescence, proche là aussi de Lovecraft !). Neuf nouvelles, superbes, qui, forment une véritable symphonie du rouge et du noir (le sang et les ténèbres abritant le surnaturel. Des images d’une richesse et d’une ampleur plastique rarement égalées : les dessins de Frank Frazetta viennent à l’esprit, bien sûr (le côté « musclé » !) mais aussi et surtout les magnifiques tableaux des Pré-Raphaelites, reflétant une étrange concordance picturale, dans l’œuvre comme dans la vie. Je pense notamment à Dante Gabriel Rossetti, William Homan Hunt, John Everett Millais (le tableau « Ophelia »), William Morris (le tableau « Queen Guenevere ») et Edward Coley Burne-Jones. Et l’on songe au cinéma américain ! Quel scénariste eût été Howard pour Hollywood ! Proche par certains côtés de Cecil B. De Mille (les décors « barbares », la reconstitution historique) et par d’autres du Sam Peckinpah de la « Horde Sauvage » (la violence, le sang, les mercenaires, le sentiment « agonique » de la vie). La bande dessinée s’est emparée de ses personnages (Conan, Kull, Kane et d’autres) et le lecteur français les connaît bien. « L’Echo des Savanes/Spécial USA » lui a rendu plusieurs fois hommage. Et le cinéma vient à son tout de s’emparer de l’ouvre d’Howard... s’attaquant à Conan ! On attend de voir le résultat.
Neuf nouvelles imprégnées de fantastique horrible, de magie noire, de vengeance, de violence et de sang ! Une violence et une cruauté rarement égalées ! Là aussi, Howard fut en avance sur son temps... sans parler de l’érotisme, discret hélas, du fait des tabous et de l’auto-censure de l’époque. Et pourtant... ses personnages féminins, la description du corps de ses héroïnes, demeurent inoubliables ! Désir sensuel auquel s’ajoute l’amour tout court, d’un romantisme extrême, qui unit à jamais deux êtres... dans cette vie et dans toutes les autres qu’ils ont vécues et vivront ensemble. Le thème de la réincarnation, souvent présent dans l’œuvre de Howard, est superbement enrichi par cette idée d’un amour sans cesse revécu au cours des âges !
Quelques précisions sur ces nouvelles : « Le loup-garou » est la suite étonnante « africaine », de la nouvelle : « Dans la forêt de Villefère », parue dans le recueil « L’homme noir » au Masque/Fantastique. « Les guerriers du Valhalla » et « La vallée du ver » terminent le triptyque des aventures de James Allison, commencé avec « Le jardin de la peur » (dans le recueil déjà cité). « Le feu d’Asshhurbanipal » est une nouvelle « lovecraftienne » par excellence, puisqu’il y est question le a cité sans nom, du Necronomicon et d’Abdul Alhazred, sans parler de l’ambiance dans laquelle baigne ce récit ! « L’horreur des abîmes », très longue nouvelle qui pourrait être un court roman, frappe par son côté Fu-Manchu, l’atmosphère londonienne à la Conan Doyle, mais aussi et surtout par son thème insolite (je ne dévoilerai pas) et les précieux à-côtés que sont la drogue (déjà ! diront certains) le rêve provoqué par le haschich et l’amour, à nouveau, d’une rare pureté ! « Le cairn de l’homme gris » et « Le peuple des ténèbres » nous plongent dans un passé lointain... leurs héros vivants une seconde fois une vie antérieure qui fait la boucle avec la présente. Procédé, diront certains, encore que... Quant à « Magie noire à Canaan », superbe par tout ce qu’elle insinue et suggère sans jamais rien dévoiler, que l’on ne vienne pas nous parler de racisme chez Howard... ni de son étrange attirance envers ces Aryens aux cheveux blonds et aux yeux bleus ! Howard se réfère à un lointain passé, aux mythes de l’humanité et à son Histoire. Tout raccourci, aussi saisissant que stupide, serait parfaitement déplacé ! Nous le réfutons par avance. Son personnage préféré est l’aventurier solitaire et errant, rejeté par les siens et marqué par le destin, seul face au monde ! Guerrier, combattant, mercenaire, les mots ne manquent pas ! Leur quête est longue, éternelle en fait... au bout de leur épée, ou de leur recherche, ils trouveront la vérité. Une quête aventureuse, emportée dans un tourbillon de faits, d’affrontements, dans un flot d’actions qui ne laissent pas un seul instant en repos ! Tout l’immense talent d’Howard est là... Howard humaniste ? En vérité ! Car sa foi en l’homme et en ses possibilités est évidente... le monde est à portée de notre main. Voici donc ces neuf nouvelles, en attendant de connaître les aventures du roi Kull, de Solomon Kane et de Conan (cinq volumes sont encore inédits en France !)...
Le Pacte noir..., l’on aura compris qu’il s’agit de celui signé par Howard... de celui que signèrent tous les grands auteurs fantastiques, à leurs risques et périls ! Mais il s’agit aussi du vôtre... vous qui venez d’ouvrir ce livre en toute innocence. Vous n’avez pas de plume ? En voici une. De l’encre ? Inutile, votre sang suffira... Signez !
F.T.
Ville d’Avray
9 mars 1979
Dos du livre :
Neuf nouvelles hantées par l'horreur et toute l'abomination du monde, les rites secrets et innommables pratiqués par sorciers, magiciens et autres adorateurs des ténèbres et des Forces du Mal. Nuit, violence, sang et terreur... les cauchemars surgissent de l'ombre et du passé, aux personnages de Howard de les affronter, pour les vaincre ou en mourir. La malédiction du Loup-garou, un cairn au hideux passé, une gemme maléfique dans une ville innommable au milieu des sables, une mystérieuse menace surgie du Passé ou le Crâne Vivant, monstrueuse survivance de l'Atlantide...
Ces neuf nouvelles, parmi ses meilleures ("La Vallée du Ver" est considérée par ses "fans" comme un "classique") permettent enfin de consacrer Howard comme l'un des plus grands écrivains fantastiques de ce siècle.
Robert E. Howard est né en 1906 à Peaster, Texas, U.S.A. II s'est suicidé en 1936. Quinze ans de création littéraire lui ont suffi pour devenir l'un des maîtres du fantastique et de l'Heroic Fantasy aux côtés de Lpvecraft, Blackwood, Machen, Merritt, entre autres. Jusqu'à présent connu en France par son cycle Conan (Lattés) et le recueil "L'homme noir" (Masque Fantastique), Howard est également le "père" de Solomon Kane, Bran Mak Morn et de bien d'autres personnages que les Français ont encore à découvrir. La bande dessinée s'est, aux U.S.A., emparée de son oeuvre (voir, en France, les numéros spéciaux de "L'Echo des Savanes") et le cinéma vient à son tour de s'intéresser à Conan, "Superman" de l'Heroic Fantasy.