Titre Original : _
Collection : Néomnibus n° 1
Date de Parution : Février 1990
Traducteur : François Truchaud
Nombre de pages : 276
Couverture : '
Sommaire du livre :
Préface et traduction de François Truchaud
La date de 1ère parution (posthume) est soit la première parution US ou dans ce recueil qui publie des inédits, et même des nouvelles non finies
"LA TOMBE DU DRAGON"
La tombe du dragon (The Tomb of the Dragon), 1977
Le roi des îles (Shackled Mitts), 1990
Le bûcheron du diable (The Devil's Woodchopper), 1976
Sous le baobab (Under the Baobab Tree), 1974
Un amour éternel (Age Lasting Love), 1990
Les dieux du Nord (Gods of the North), 1934
Le sortilège de Damballah (The Spell of Damballah), 1987
L'esprit de Brian Boru (The Spirit of Brian Boru), 1990
Le retour du sorcier ( The Retum of the Sorcerer), 1976
La porte du monde (The Door of the World), 1977
Le maître de la peur (The Fear-Master), 1984
La voix d'Obi (The Hand of Obeah), 1983
"ÉTRANGES CONFESSIONS"
Un couple racé (Thoroughbreds), 1990
Miss Pimbêche (Miss High-Hat), 1990
Le sexe faible (The Weaker Sex), 1990
Les pierres du destin (The Stones of Destiny), 1990
La malédiction de la cupidité (The Curse of Greed), 1986
Une question d'âge (A Matter of Age), 1986
La voix de la foule déchaînée (The Voice of the Mob), 1986
Le démon dans son esprit (The Devil in His Brain), 1986
"DROLES D'HISTOIRES"
Un peu de couleur (A Touch of Color), 1986
Le perdant (The Loser), 1986
Le courage (Nerve), 1986
Un homme courtois (The Sophisticate), 1986
Le billot (The Block), 1986
Une histoire de fous (The Nut's Shell), 1986
Jour de paie (Pay Day), 1986
"BUCKNER J. GRIMES"
Le fils prodigue de Knife-River (Knife-River Prodigal), 1937
Un putois putride (A Man-Eating Jeopard), 1937
Préface du livre :
Jusqu’à plus soif !
A tout seigneur tout honneur, puisque le présent volume constitue le N°1 de la nouvelle collection NéOmnibus : nouvelle formule, nouvelle présentation, mais l’esprit reste le même à l’occasion de ce 36/37° REH chez NéO, et ces vingt-neuf nouvelles divisées en quatre parties poursuivent la connaissance de notre auteur et de son œuvre immense, ad libitum !
La première partie, soit douze nouvelles, permet au lecteur de retrouver des thèmes connus, des personnages familiers, l’ambiance de précédents recueils, la vision de « Two-Gun Bob » : fantastique, aventure, rêve/réalité, cauchemar éveillé, atmosphère « africaine », récit oppressant, mais aussi humour.
La tombe du dragon (paru dans the Shadow of the Beast, édité par George T. Hamilton en 1977) allie fantastique, intrigue policière et humour. L’histoire se passe à Shanghai et le héros, un marin, se nomme Mike Dorgan. Le reste coule de source…
Le roi des îles (première parution mondiale dans le présent recueil) pourrait être une aventure de Steve Costigan : l’humour est hénaurme dans ce récit débridé où Howard s’en donne à cœur joie. Une question angoissante : est-ce un récit inachevé, comme prétendent certains ? La dernière phrase semble pourtant définitive.
Le bûcheron du diable (paru dans the Grim Land and Others, Stygian Isle Press, 1976) est une nouvelle inachevée que termina Tevis Clyde Smith (à partir de « Il me montra un fauteuil »). Howard avait peut-être écrit la suite, mais le texte a été perdu. C’est dommage, car le début est très prometteur, dans l’ambiance de certains récits où intervient le poète fou Justin Geoffrey, et évoquant le poème Fragment, dans Chants de guerre et de mort. Le travail de Smith est honnête mais ne retrouve pas la force et la vision hallucinée d’Howard.
Sous le baobab (paru dans Cross Plains[/i] N°5, automne 1974) est une histoire « africaine » à l’ambiance proche de [/i]Noirs Sortilèges, in Le seigneur de Samarcande. Le ton de ce court récit est superbe, et tout le talent d’Howard est présent.
Un amour éternel (première parution mondiale dans le présent recueil) est une histoire inachevée au climat très étrange. Cette réflexion sur l’amour et sur le passé (l’une des obsessions et des peurs d’Howard) s’annonce très ambitieuse… et nous restons perplexes, malgré le synopsis indiquant les intentions de notre auteur.
Les dieux du Nord (paru dans The Fantasy Fan en mars 1934) fera frémir de joie le lecteur, retrouvant une vieille connaissance. En effet, l’histoire est connue, à plus d’un tire ! En mars 1932, Farnsworth Wright, le rédacteur en chef de Weird Tales, refusait une nouvelle d’Howard, The Frost-Giant’s Daughter : il s’agissait de La fille du géant du gel, l’une des deux premières histoires de Conan écrites par REH avec Le phénix sur l’épée ! Howard changea le titre, procéda à quelques modifications, appela son personnage Amra, et envoya la nouvelle à la revue The Fantasy Fan, qui l’accepta. C’est pourquoi vous pouvez à présent re-lire l’une des plus belles aventures de Conan/Amra le Lion !
Le sortilège de Damballah (paru dans Revelations from Yuggoth N°1, novembre 1987) est une histoire inachevée dont l’ambiance fantastique et policière est proche de certains nouvelles où apparaissent Conrad et Kirowan (Celui qui hantait la bague, Les habitants des tombes, etc.) et les deux « policiers » de La main de la déesse noire. Haïti, vaudou, hypnotisme, personnage maléfique, un climat typiquement howardien…
L’esprit de Brian Boru (première parution mondiale dans le présent recueil) est un court récit mêlant boxe et fantastique, comme dans La voix de l’Au-delà, L’apparition sur le ring, etc. Précisons simplement que le héros est irlandais et qu’il a une sœur, Claire. Bis repetita placent…
Le retour du sorcier (paru dans A Bicentennial Tribute to Robert E. Howard, édité par George T. Hamilton en 1976), est une histoire inachevée : l’Orient mystérieux, des Lamas Noirs, le Tibet, l’aventure avec un grand A. Un excellent début proche de L’Horreur des abîmes ou de certaines aventures d’El Borak. Conan Doyle et Sax Rohmer ne sont pas loin. Le Rameau de l’Arbre des Rêves, le Sceau de Mihiragula, au lecteur de rêver la suite…
La porte du monde (paru dans Fantasy Crosswinds N°2 en 1977, autre titre américain : The Door to the Garden) est également une histoire inachevée au ton très particulier, une très belle médiation sur le rêve et la réalité, avec en exergue quelques lignes écrites par Justin Geoffrey ! Précisions que tout un passage (la description du jardin et l’apparition) figure dans Etching in Ivory – Medallions in the Moon – un long poème en prose, superbe, que nous publierons dans un proche avenir. Tout le génie visionnaire d’Howard est là…
Le maître de la peur (paru dans Crypt of Cthulhu N°22, Roodmas 1984) est une autre récit « africain » - complet ou histoire inachevée ? – où s’affrontent Steve ( !) et sa cousine, Geraldine, ce qui nous vaut des aveux naïfs et quelques réflexions sur les femmes. Une magnifique évocation des tam-tams, comme dans Noirs sortilèges, et une remarque (humoristique ?) sur les Noirs américains et africains. Très bizarre…
La voix d’Obi (paru dans Crypt of Cthulhu, Michaelmas 1983) est une longue histoire policière au climat fantastique, où des adolescents jouent aux détectives, comme dans Le fantôme au chapeau de soie. Howard écrivit cette nouvelle en 1925 et l’envoya au magazine Adventure, qui la refusa et la lui retourna avec une longue lettre, comme il en est fait mention dans Le Rebelle, à la page 74 ! Naïve par certains côtés, influencée par Seabury Quinn (Les aventures de Jules de Grandin, aux jurons pittoresques !) cette histoire annonce d’autres récits plus achevés que nous avons déjà publié, mais tout les ingrédients sont réunis : marécages, cultes vaudou, intrigues échevelées, climat oppressant, homme léopard (comme dans Harry Dickson de Jean Ray), mulâtre, et malgré l’abus des « senhor » le ton est des plus réjouissants.
La deuxième partie nous permet de nous aventurer dans des terres inconnues, à savoir les « étranges confessions » de Two-Gun Bob. En 1927/28, Howard, toujours en quête de nouveaux marchés, s’essaya aux confessions magazines (il y est fait allusion dans Le Rebelle à la page 38). Le genre était à la mode alors, avec les magazines publiés par MacFadden (True Confessions, I Confess, Hollywood Confessions, Marriage Stories, True Experiences et Ghost Stories). Le principe de ces « histoires vécues » était simple : le narrateur doit pêcher, souffrir et se repentir, pour se racheter à la fin. Aussi Howard écrivit-il pour les True Stories, sans succès apparemment, mais ces histoires nous permettent de découvrir des facettes ignorées de notre auteur, ou soupçonnées à la lecture des « spicy stories » de Wild Bill Clanton !
Les quatre premières histoires paraissent pour la première fois dans le présent volume.
Un couple race nous rappelle l’obsession d’Howard à propos de la force physique et de la musculature (le body building d’Arnold Shwarznegger !) mais cette fois il s’agit d’un homme et d’une femme, traitant d’égal à égale. Le thème du couple est rare chez REH, et encore plus celui d’une descendance (« être le père d’un champion »). L’histoire est prétexte à quelques remarques savoureuses, dans une ambiance très insolite, et la fin est enlevée avec humour. Un petit joyau.
Mis Pimbêche évoque l’atmosphère de certains histoires de Wild Bill Clanton, sur le thème de la fessée, et la petite culotte est reine, si j’ose dire !
Le sexe faible, « une dissertation sur la soumission des femme » est une histoire humoristique, se changeant en un pur délire à la Tex Avery (les aventures de Droopy dans l’Ouest !) et Howard s’en donne à cœur joie : les surnoms des cow-boys, les dialogues, l’action aussi trépidante qu’un dessin animé. Un régal !
Les pierres du destin pourrait s’intituler « Le vice et la vertu », ou bien « Séduite, vendue et violée » ! Racontée dans un style châtié et flamboyant, cette histoire d’une jeune fille devenant l’esclave d’un riche Mexicain est tout à fait étonnante : séances de flagellation, tortures physiques et morales, c’est le portrait de la dégradation et de l’avilissement d’une femme. Howard en rajoute à plaisir, ne pouvant écrire ce qu’il aimerait dire – sans aucun doute – et il décrit une plongée en enfer qui laissera pantois plus d’un lecteur ! Des zones d’ombre et des abîmes insoupçonnés chez notre auteur !
La malédiction de la cupidité a paru, comme les trois nouvelles qui suivent, dans Lurid Confessions N°1 en juin 1986, aux Cryptic Publications de Robert M. Price. A nouveau une histoire qui doit servir d’avertissement au lecteur, nous contant la déchéance d’un homme et de sa famille, cédant à la tentation de l’argent et de l’alcool. Sur fond de Prohibition et de contrebande de spiritueux, Howard nous montre avec jubilation des « pièges insidieux du monde » et ce récit « dégoulinant » de (trop) bons sentiments nous ravit au second degré. La morale est présente aux dernière lignes, bien entendu, et le lecteur en a pour son argent !
Une question d’âge est une histoire savoureuse où il est à nouveau question de fessée et de petite culotte bouffante. Un ton très ambigu, encore une fois, et la moralité : ne trichez jamais sur votre âge !
La voix de la foule déchaînée nous permet de saluer Fury, le film de Fritz Lang (1936) puisqu’il est question d’un homme innocent menacé de lynchage par une foule surexcitée. Notons que le héros est un Noir et boxeur, ainsi que les réflexions sur les gens de couleurs et le Sud (la parole d’honneur) et la fin allie sobriété et efficacité. Là aussi, beaucoup de sous-entendus : le « viol » de la jeune femme par le Noir, « un sort pire que la mort ».
Le démon dans son esprit, au ton très autobiographique, semble sorti tout droit des premières pages du Rebelle : une amitié datant de l’enfance, une admiration mutuelle, des assauts de boxe. Puis le ton change, le « démon » l’emporte et sépare les deux amis de naguère. Et c’est l’histoire d’une rédemption, avec des pages d’un lyrisme échevelé auquel nous a habitués Howard, sur « l’école qui forge des hommes ou les brise à jamais », la Légion Etrangère de France ! Notons pour la petite histoire que l’un des personnages se prénomme Steve, qu’il a une sœur, Moira, et qu’il est irlandais à cent pour cent… et soulignons une très belle fin, inattendue de la part de REH, d’une sérénité peur fréquente chez lui.
Les sept nouvelles constituant la troisième partie de ce volume, « Drôles d’Histoires », ont paru dans [/i]Pay Day en 1986, aux Cryptic Publications de Robert M. Price. Au ton étonnamment moderne, elles font penser à certaines nouvelles de William Irish ou de Frederic Brown : les personnages sont des « perdants », le jouet d’un destin moqueur, englués dans une toile d’araignée fatale. Ces paraboles au style concis et réaliste, sobre et efficace, permettent à Howard de se livrer à quelques considérations sur le monde et la vie, les hommes et l’absurdité de l’existence. Une nouvelle facette de notre auteur…
Un peu de couleur nous révèle un Howard « à fleur de peau », son obsession viscérale d’ennemis, imaginaires ou réels ; un conte cruel très prenant. Le perdant fait preuve d’un humour désespéré, glacé. Le courage commence par une mort tragique et se termine sur le ton de la farce. Un homme courtois pratique l’humour à froid mes est tout aussi désespéré. Le Billot est une réflexion ironique sur la peur et son manque de logique. Une histoire de fous a la logique imperturbable de certains contes de Poe, et des dialogues savoureux. Joue de paie fait preuve d’une méchanceté rare chez REH – tous les hommes sont des pantins – et n’est pas sans rappeler la fin du Rebelle. Sept contes moraux écrits au scalpel, d’une acuité stupéfiante.
La quatrième partie nous présente un personnage, Buckner J. Grimes, qui est pour le western ce que Steve Costigan était pour la boxe : un personnage plus grand que nature, aux aventures comiques et à l’humour hénaurme, pratiquant volontiers les non-sense, est les dialogues sont exemplaires. Le fils prodigue de Knife-River parut dans Cowboy Stories en juillet 1937 et Un putois putride dans Cowboy Stories en juin 1937. La deuxième histoire parut également dans The Cross Plains Review le 19 juin 1936, à l’occasion de la mort de « Two-Gun Bob ». Elle fut reprise dans le recueil Skull-Face publié par August Derleth en 1946 chez Arkham House : c’était la seule histoire non fantastique de cet énorme volume. Howard écrivit une troisième aventure de Buckner J. Grimes, A Ringtailed Tornado, qui fut ultérieurement changée en une aventure de Breckinridge Elkins, peut-être par Otis Adelbert Kline, son agent littéraire de l’époque. A partir de 1936, Howard écrivit de plus en plus d’histoires de western, créant plusieurs personnages : Breckinridge Elkins pour Action Stories, le plus connu, Pike Bearfield, Steve Allison the Sonora Kid, Grizzly Elkins, etc. De quoi faire plusieurs volumes en français ! Au lecteur de dire s’il désire découvrir tous ces personnages et ces personnages épiques, j’attend de pied ferme l’avalanche de lettres ! En préambule – par le biais de l’humour volontiers délirant – voici Buckner J. Grimes : le « J » est expliqué dans la deuxième histoire avec une logique de l’absurde que n’aurait pas reniée Lewis Carroll ! Précisons que ces histoires alternent les ingrédients classiques du genre et des éléments beaucoup plus originaux et très modernes – Rio Bravo (et Leigh Brackett) pourrait s’en être nourri ! Une nouvelle fois, le résultat est des plus étonnant et inattendus.
Howard jusqu’à plus soif… La tombe du Dragon vous est offerte !
François Truchaud,
Ville d’Avray
25 janvier 1990