Nouvelles Editions Oswald - La route d'Azraêl

Titre Original : nouvelles

Collection : Fantastique - SF - Aventure n° 170
Date de Parution : Mai 1986
Traducteur : François Truchaud
Nombre de pages : 192
Couverture : Jean-Michel Nicollet


Sommaire du livre :



- Le 11 juin 1936, Robert Ervin Howard décidait de régler ses comptes avec le Destin, Préface François TRUCHAUD
- Des éperviers sur l'Egypte (Hawks over Egypt), traduit par François TRUCHAUD
- Sur les traces de Bohémond (The track of Bohemond), traduit par François TRUCHAUD
- Portes de l'empire (Gates of empire), traduit par François TRUCHAUD
- La Route d'Azraël (The Road of Azrael), traduit par François TRUCHAUD


Préface du livre :

Le 11 juin 1936, Robert Ervin Howard décidait de régler ses comptes avec le Destin, une bonne fois pour toutes, un Colt 380 automatic au poing…

« All fled – all done, so lift me on the pyre ;
The feast is over the laps expire. »

Dans une lettre adressé à August Derleth, Howard écrivait : « Je suis tout à fait désolé d’apprendre les décès survenus dans votre famille. La mort est une chose inévitable pour les personnes âgées, et pourtant, d’une certaine façon, j’ai souvent l’impression que c’est une tragédie encore plus grande que la mort frappant des êtres jeunes. Lorsqu’un homme meurt jeune, de grandes souffrances lui sont épargnées, mais les personnes âgées n’ont plus que la vie pour tout bien, et, à mes yeux, le fait que ces pitoyables vestiges soient arrachés à des mains sans force est une chose encore plus tragique qu’une vie fauchée dans la fleur de l’âge. Je ne désire pas vivre très vieux. Je désire mourir lorsque mon heure sera venue, d’une façon rapide et soudaine, dans la plénitude de ma force et de mon énergie physique. »
Cette lettre était datée du 9 mai 1936, soit un mois avant son suicide! Une fois de plus, « Two-Gun Bob » fait preuve d’un étonnante lucidité, son destin est tracé, il le vivra jusqu’au bout, jusqu’à ce suicide byronien, éternel adolescent vivant au milieu de ses rêves et les couchant sur le papier. Il meurt comme il l’avait souhaité, en pleine jeunesse – tel James Dean… - et son geste est un refus, une négation suprême de la réalité. Désormais il vit, éternellement jeune, au milieu de ses rêves et de sa création, par-delà le temps et l’espace, tel Esau Cairn dans Almuric (à paraître en juillet 86) dont la démarche est exemplaire. A l’occasion de ce 24° REH chez NéO, nous commémorons le cinquantième anniversaire de la mort de « Two-Gun Bob », l’aventurier des ténèbres, défiant à jamais la réalité et le monde des hommes sur cette (nouvelle) photo, inédite à ma connaissance et prise dans les années 30, en dos de couverture.
Le Texan a toujours privilégié le rêve, dans sa vie comme dans son œuvre. D’ailleurs, les rêves sont pour lui beaucoup plus une invasion qu’une évasion, comme il l’explique dans une autre lettre : « es longs rêves narratifs sont une chose très fréquente chez moi, et parfois ma personnalité rêvée n’a aucun rapport avec ma personnalité réelle. J’ai été un Anglais du XVIe siècle, un homme de la Préhistoire, une « tunique bleue » cavalier de l’armée américaine faisant campagne contre les Sioux dans les années suivant la Guerre Civile, in Italien blond de la Renaissance, un noble des pays nordiques au Xie siècle, un Indien, un Serbe au pantalons bouffants combattant les Turcs avec un sabre incurvé, un boxeur professionnel, j’ai parcouru tout le XIXe siècle en tant que trappeur, émigrant allant vers l’Ouest, barman, chasseur, guerrier Peau-Rouge, conducteur de bétail, cow-boy… une fois, j’ai même été John Wesley Hardin! »
Est-il besoin d’en dire plus ? Tous ses rêves sont situés dans le passé, dans une époque plus ou moins lointaine. Tout se passe comme si Howard était né « en dehors de son époque », tel Esau Cairn dans Almuric, et qu’il ait cherché désespérément à retrouver – par l’entremise du rêve qui l’envahit et de ses écrits qui reflètent une étonnante maturité – l’époque idéale qui aurait dû être la sienne, à laquelle il aurait dû naître, en accord avec son énergie vitale et la force fui l’habite ! Personne « déplacée » entre toutes, Howard nous apparaît comme une « centrale d’énergie » perdue au vingtième siècle, dans cette petite ville du Texas, cherchant à retrouver un autre temps et un autre espace, et ses écrits sont la trace de son passage éphémère sur cette Terre… une trace lumineuse et flamboyante!
Pour ce vingt-quatrième volume, à nouveau le souffle de l’Aventure, des personnages plus grands que nature et des histoires hors du commun, prestigieuses et magiques, situées dans un passé lointain et mythique ! C’est le retour en force de l’aventure orientale, dans une ambiance proche de Cormac Fitzgeoffrey et de Sonya la Rouge. Howard décrit des destins individuels au sein d’une Histoire étincelante, d’autant plus privilégiée et présente lorsqu’il s’agit des Croisades. Précisons que le volume américain contenait une cinquième nouvelle, The Way of the Swords, qui figurera dans Le Seigneur de Samarcande (à paraître en septembre 1986).
Des éperviers sur l’Egypte (paru dans The Road of Azraël, Donald M. Grant, 1979) resta longtemps inédit. Il n’est pas inutile de préciser que le titre de travail était The Man Who Would Be God (l’homme qui voulut être Dieu, référence directe et hommage à L’homme qui voulut être roi de Kipling, coup de chapeau en passant à John Huston pour son superbe film! Dés les premières lignes, le lecteur aura une impression de déjà-lu, aisément explicable, puisque c’est l’une des nouvelles « détournées » par Sprague de Camp pour en faire une aventure de Conan! Ce dernier changea les noms de personnages, de villes, de pays, ajouta un élément fantastique (les goules apparaissant à la fin) coupa certains passages, changea de place des chapitres, et le résultat devint [i]Des éperviers sur Shem, in [/i]Conan le Flibustier. Tout en reconnaissant le travail habile de Sprague de Camp, il est aisé de faire la différence avec le texte original de Howard qui se situe cent coudées plus haut! Ce texte possède un souffle et une ampleur qui font défaut à l’aventure « remaniée » par Sprague de Camp… c’est toute la différence entre un bon artisan et un créateur de génie! Tous les détails gommés par de Camp, le « background » historique et surtout le personnage de Diego de Guzman font tout le prix de cette nouvelle située dans la ville du Caire en 1021. A nouveau, la vengeance est la motivation de l’Espagnol, puis il se battra pour l’Espagne et le monde occidental. Notons à la page 26 un rappel historique, au ton didactique, où Howard survole cette époque avec le regard d’un visionnaire et une maestria stupéfiante. « Two-Gun Bob » est passionné d’Histoire et évoque le passé avec une puissance rarement égalée. Notons également aux 45-50 une scène de lesbianisme (déjà présente dans certaines aventures de Conan) avec un gag aux deuxième et troisième degré : nous ne saurons jamais quelle manière Zaida a été « humiliée » ! Et, à la page 53, l’idée géniale de l’Espagnol se battant en duel, soutenu par l’idée de la nation à naître, avec un véritable poème lytique en contrepoint. Enfin le finale sublime, digne de certaines nouvelles de Kipling ou de Talbot Mundy. Le lecteur aura véritablement l’impression de lire une autre nouvelle, entièrement originale!
Sur les traces de Bohémond (paru dans The Road of Azraël, idem) est une courte nouvelle, située au temps de la première Croisade, qui ressemble à une séquence, à une coupe verticale pratiquée dans l’Histoire. A nouveau un destin individuel qui modifie l’Histoire et une vengeance. Le récit est parcouru par un souffle étonnant, avec un début surprenant par sa soudaineté et se rythme. Notons aux pages 70 et 71 une scène identique au début d’une aventure de Conan, La reine de la côte noire; Howard a « cannibalisé » plusieurs fois certaines de ses nouvelles, reprenant certaines situations, des thèmes ou des personnages Et, à la page 74, une superbe évocation de Pierre l’Ermite et de la Première Croisade. L’aventure au premier degré, et c’est superbe, avec une fin « ouverte » et fébrile!
Les portes de l’empire avait été annoncé dans la numéro de janvier 1934 de The Magic Carpet Magazine, qui contenait Sonya la Rouge. Mais ce fut le dernier numéro de cette revue, qui cessa de paraître et cette nouvelle parut finalement dans la revue Golden Fleece en janvier 1939. Cette histoire, se passant en 1167, au temps de la Deuxième Croisade, est sans doute unique dans l’œuvre de Howard, par son ton très bizarre et son ambiance picaresque, mêlant la tragédie à la comédie. C’est sans doute la seule fois où un héros howardien n’est pas un colosse puissamment charpenté et musclé! En effet Giles Hobson est un Anglais gros et bedonnant, aimant le vin et les femmes, et jouant des tours pendables! Notons que son adversaire acharné se nomme Guiscard de Chastillon ! A la page 95, la scène de l’abordage est à nouveau une « cannibalisation » d’une scène de La reine de la côte noire. Le lecteur est emporté, comme Giles, par les événements, et ce dernier, tout à fait involontairement, modifiera le cours de l’Histoire. La ville du Caire est présente à nouveau dans cette aventure singulière. Howard mêle avec une incroyable aisance le ton comique (les réflexions de Giles, ses mensonges perpétuels et ses remarques au second degré) et le ton tragique (les batailles, l’apparition du calife d’Egypte, Outremer, les Croisés) avec des dialogues d’une beauté à couper le souffle, comme dans les nouvelles de Sonya la Rouge. Notons enfin la présence de Saladin, encore adolescent, qui fera parler de lui par la suite. Une histoire tout à fait singulière et une expérience que Howard n’a jamais recommencée, pourtant d’une très grande réussite.
La roue d’Azraël (paru dans The Nemedian Chronicles, Chacal, 1, en 1976) nous plonge dans une ambiance proche des aventures de Cormac Fitzgeoffrey. Précisons qu’Azraël est l’ange de la mort pour les Musulmans. Dans cette histoire au souffle épique, c’est à nouveau une vengeance qui motive les personnages. Page 138, l’évocation de la prise de Jérusalem par les Croisés est superbe, et, page 139, l’hymne à la liberté du guerrier Chagatai est un véritable credo des personnages howardiens, en quête d’Absolu jusque dans la mort. Notons l’humour au deuxième degré de Kosru Malik, chroniqueur de cette histoire, et ses réflexions sur les Fracs, ainsi que sa médiation sur la folie des hommes qui s’entretuent pour une jeune fille, presque une enfant! Les hommes sont les jouets d’un Destin moqueur qui les mène à leur perte. A certains passages, le ton est proche de certaines pièces de Shakespeare. Notons, à la page 165, un poème de Kipling en exergue et soulignons, enfin et surtout, l’idée géniale de l’apparition de Vikings en Orient, avec le roi Harold qui n’a pas trouvé la mort à Hastings et qui erre à travers le monde, surgi des brumes du Temps, véritable fantôme ou mort-vivant ! Les dernières pages sont empreintes d’un lyrisme magnifique (cette histoire comporte deux batailles!) « Ainsi disparaissent les espoirs de l’Islam et la splendeur de Kizilshehr », murmure Kosru Malik en tuant Muhammad Khan. Et le finale est une véritable séquence cinématographique, d’une beauté visuelle rarement égalée (comme celle du film de John Boorman, Excalibur) avec la silhouette de Harold, « tel un roi gris de quelque légende immémoriale », se dressant sur le drakkar et s’éloignant à l’horizon… « et la solitude médita de nouveau sur les eaux paisibles de la mer ».
Le lecteur aura l’occasion de découvrir bien d’autres beautés dans ces quatre nouvelles superbes par leur invention constante, leur souffle romantique et poétique. A lui de s’engager sur la route d’Azraël…
Le 11 juin 1936, tôt le matin, Howard s’installait une dernière fois devant sa vieille Underwood n°5 et tapait ces mots ultimes, des vers, avant de quitter définitivement le monde :

Tout s’est enfuit… tout est fini,
Aussi portez-moi sur le bûcher funèbre ;
La fête est terminée et les lampes s’éteignent. »

François Truchaud
Ville d’Avray
21 avril 1986


Dos du livre :

« Les guerriers de Kizilshehr se lancèrent de nouveau à l'assaut. Je contemplais la splendeur désespérée de cette bataille, et mon cœur était embrasé et glacé tour à tour. Allaho akbar ! Sous mes yeux se battaient un homme et un roi qui était plus grand qu'un roi !
- Une partie insensée ! murmurai-je comme dans un rêve. Nous sommes tous des fous et des fantômes sur la Route d'Azraël... la Route de la Mort. Beaucoup sont morts pour la fille à la chevelure blonde. Bien d'autres trouveront la mort avant que cette route se termine ! »
La ville du Caire en 1021, Outremer, les Croisades, Bohémond... à nouveau des personnages plus grands que nature et des aventures hors du commun, prestigieuses et magiques, situées dans un passé lointain et mythique ! Avec ce 24e REH chez NéO, c'est le retour en force de l'aventure orientale, dans une ambiance proche de Cormac Fitzgeoffrey et de Sonya la Rouge.

Robert Ervin Howard est né en 1906 à Peaster (Texas). Il s'est suicidé en 1936. Quinze ans de création littéraire lui ont suffi pour devenir l'un des maîtres du fantastique et de l'heroic fantasy de ce siècle. Nous avons, depuis quelques années, révélé au public français une grande partie de son œuvre restée scandaleusement inédite jusqu'alors : Le pacte noir, Kull le roi barbare, Solomon Kane, L'homme noir, Bran Mak Morn, Cormac Mac Art, Agnès de Chastillon, El Borak l'Invincible, El Borak le Redoutable, El Borak le Magnifique, El Borak l'Éternel, Wild Bill Clanton, Kirby O'Donnell, Cormac Fitzgeoffrey, Steve Harrison et le Maître des Morts, Steve Harrison et le talon d'argent, Vulmea le pirate noir, Sonya la Rouge, Les habitants des tombes, Le tertre maudit, Le chien de la mort, La main de la déesse noire, vingt-trois volumes magiques et fous, inoubliables, tous traduits par le meilleur spécialiste de l'œuvre de Howard que nous ayons en France : François Truchaud.
Quant à la série des Conan, après avoir été publiée par Lattes, elle est en cours de réédition dans J'Ai lu.